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Législatives italiennes : le paroxysme de l'euroscepticisme

Monday, 5 March 2018

Les résultats sans appel du scrutin italien du dimanche 4 mars confirment une tendance déjà bien développée ; l'Europe n'a pas la côte. Les électeurs ont exprimé en masse leur désamour et leur déception vis-à-vis de l'Union européenne en sollicitant des partis eurosceptiques, qui interrogent dans un pays si important. Mise au point sur les causes et les conséquences d'un tel acte.

L'Europe frissonne à nouveau. Alors que l'élection saluée de Macron était censée représenter un nouveau souffle européen et la victoire de la social-démocratie sur les mouvements extrémistes, cette ambition est mise à mal par les résultats des élections législatives italiennes. En effet, cette nouvelle fait écho aux différentes montées nationalistes et eurosceptiques qui émergent depuis quelques années dans les États membres et qui, malgré la ferme intention européenne de les étouffer, persistent bel et bien.

Ainsi, l'Italie voit l'émergence de nouvelles forces politiques qui ont mené une campagne virulente mais populaire : le mouvement 5 étoiles, antisystème et aux allures révolutionnaires, arrivant en tête. Ensuite, arrivent les mouvements de droite, le parti de Berlusconi et celui de la Ligue (ancienne Ligue du nord, parti d'extrême droite). La gauche traditionnelle quant-à-elle ne rassemble même pas 20% et subit de plein fouet son attachement au projet européen.

Plus que jamais l'Italie, bien qu'étant une nation forte au sein de l'UE, se retrouve dans une impasse électorale, aux causes pourtant bien connues et aux conséquences redoutables pour l'Europe.

Les enjeux migratoires comme vecteur de campagne

La campagne de ces élections a été marquée par la proéminence de la question migratoire dans les débats. Les programmes et les interventions des candidats ont été orientées autour de cet enjeu, qui est devenu en quelque sorte la priorité numéro un du peuple italien. Et pour cause, un véritable sentiment d'abandon de la part des instances européennes sur ce sujet nourrit la défiance vis-à-vis de l'UE. Les partenaires européens du pays ont sans doute désormais le regret d'avoir laissé à la seule Italie la gestion d'une crise migratoire si importante et irrévocable. Pire encore, cette isolation fut renforcée par la politique européenne notamment via le règlement de Dublin, qui délégue le traitement des demandes d'asile aux pays d'entrée des migrants : donc principalement l'Italie et la Grèce.

Ce manque de solidarité européenne, couplé à une situation économique embarassante, ont rendu l'Italie incapable de gérer de façon décente ces demandes d'asile, délaissant alors les migrants à leur sort. Une situation marginale qui peut, à terme, pousser ces derniers à des actes de délinquance, et ainsi renforcer les sentiments d'insécurité et la xénophobie ambiants chez le peuple italien. N'en déplaise aux partis extrêmistes qui ont alors sauté sur l'occasion, faisant de ces enjeux leur priorité de programme, comme dans de nombreux autres États membres, pour séduire une large part de l'électorat.

Un équilibre européen plus que jamais menacé

La renconfiguration de l'Union européenne vers laquelle tendent les réformes macroniennes sera tributaire du futur proche de ses États membres. De nombreux scrutins étaient attendus en cette année 2018, et à ce titre le vote allemand des adhérents du SPD, en faveur d'une coalition qui redonnerait une majorité à la chancelière Merkel, a été perçu comme une petite victoire pour l'UE. Mais cet enthousiasme de la part de la social-démocratie franco-allemande, toujours majoritaire au sein des instances européennes, a été contrebalancé par une telle situation en Italie. Celle-ci est en effet jugée plus importante, puisque la balance entre europhiles et eurosceptiques pourrait ainsi s'inverser. On peut alors y percevoir un danger de basculement vers une opposition trop importante, et donc dangereuse, à l'Europe.

En effet, cette décision italienne n'est que le reflet, et peut-être l'un des points culminants, d'un phénomène plus important encore, qui se joue à l'échelle européenne. L'euroscepticisme touche de nombreux pays, et même ceux qui semblent les plus engagés en faveur de l'Europe connaissent de violentes contestations nationales (par exemple, en France avec le Front National). Ces mouvements, allant de la simple contestation de la supranationalité européenne (Front National, FPÖ en Autriche, UKIP au Royaume-Uni...) à l'élaboration de gouvernements illibéraux (Pologne, Hongrie), sont aujourd'hui les grands gagnants de ce scrutin italien. Leur vision eurosceptique est renforcée, par la position prise par un État aussi important que l'Italie qui les rejoint, et les conforte dans leurs idées.

Ainsi l'Europe, présentée comme l'une des responsables de cette situation, pourrait tout aussi bien en être aujourd'hui la victime. Comme l'a prétendu Nigel Farage, le fondateur du parti UKIP, "L'euroscepticisme se redresse". Et, bien plus encore, il menace.