Alors que May redoute un "hard Brexit", les partisans d'une ligne dure s'agitent

Jeudi, 30 Août 2018

Le 23 août dernier, Dominic Raab, Secrétaire d'État à la sortie de l'UE, a publié un ensemble de documents portant sur les conséquences économiques d'une sortie sans accord. Bien que Raab ait affirmé que "l'obtention d'un accord viable [était], de loin, l'issue la plus probable", la visée de ces documents semble témoigner des incertitudes du gouvernement conduit par Theresa May.

Alors que ces publications réaffirment les engagements pris par le gouvernement Britannique quant au financement des projets européens en cours, elles soulignent le coût financier d'une sortie sans accord.

Si un tel scénario venait à se concrétiser, les relations commerciales entre l'UE et le Royaume-Uni ne seraient plus régies que par le cadre réglementaire offert par l'OMC. De ce fait, la sortie du marché commun impliquerait la mise en place de contraintes majeures en matière de commerce bilatéral, et n'allègerait en aucun cas le fardeau administratif pesant sur les entreprises britanniques dépendant des marchés européens. À titre d'exemple, les entreprises important depuis et/ou exportant vers l'UE pourraient avoir besoin des services d'un courtier en douane. Les services bancaires et financiers subiraient les mêmes perturbations. Réaliser des paiments en euros pourrait par exemple devenir plus cher si le Royaume-Uni venait à ne plus faire partie de l'espace unique de paiement en euros.

Il faut voir dans ces documents plus qu'une simple campagne de mise en garde contre l'impact économique du Brexit. S'ils ont vocation à informer les entreprises sur ce à quoi s'attendre en cas de Brexit dur, ces documents sont avant tout la preuve matérielle de la division du parti conservateur en ce qui concerne la forme que prendra le Brexit. Alors que Theresa May n'est pas partisane d'une rupture totale avec l'UE, la proposition d'accord soumise en juillet témoigne de sa volonté d'incarner un juste milieu entre les conservateurs originellement pro-UE et les partisans d'un Brexit dur, à l'instar du député Jacob Rees-Mogg. Il se trouve justement qu'au moment même où ont été publiés ces documents, une lettre de ce dernier, adressée aux députés conservateurs et aux responsables des sections locales, faisait grand bruit. La lettre en question critiquait ouvertement la manière donc la première ministre conduisait les négociations sur le Brexit, et ne laisse aucun doute quant au piètre état de la légitimité de Mme. May au sein de son propre parti. On voit mal comment un tel climat au sein du camp conservateur pourrait être bénéfique aux négociations en cours, dans la mesure où il rend floues les intentions du Royaume-Uni. De surcroît, la perspective crédible d'un changement de leader signifie que le négotiateur en chef de l'UE, Michel Barnier, pourrait bientôt avoir un nouvel interlocuteur.

Comme tel est le cas depuis la campagne ayant précédé le référendum sur le Brexit, le parti conservateur est en proie à d'intenses dissensions internes. Il n'est finalement pas surprenant qu'un parti n'ayant pas été en mesure d'adopter une position unifiée sur le Brexit soit maintenant peu enclin à soutenir une première ministre qui tente par tous les moyens de combler le fossé entre des aspirations divergentes quant à la nature d'un Brexit viable. Une stratégie de mise en garde contre les conséquences économiques néfastes d'un Brexit dur devrait normalement susciter un élan de soutien pour une version plus douce du Brexit. En donnant l'impression de considérer l'éventualité d'une sortie sans accord, le gouvernement risque cependant de donner de la crédibilité et du poids aux demandes des partisans d'une ligne dure.