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Brexit : un choix cornélien

Vendredi, 10 Juin 2016

Le 23 juin 2016, les Britanniques s'exprimeront lors d'un référendum sur la sortie de l'Union européenne : pour ou contre ? Choix cornélien, pour deux raisons. La première est qu'il n'y a pas de choix intermédiaire. La deuxième repose sur les nombreuses inconnues quant aux conséquences d'un tel choix.

POUR ou CONTRE ?

Pas d'entre-deux : "BBC documentary examines Brexit pros and cons", "comprendre les arguments pour et contre la sortie du Royaume-Uni de l’UE" sur Le Monde ou encore "La reine Elizabeth est-elle pour ou contre le Brexit ?", peut-on lire sur France 24. Deux camps s'affrontent. D'une part celui du "Britiain Stronger in Europe" qui soutient le "Remain" (rester). Cette position est défendue par une majorité d'europhiles, en particulier par le premier ministre actuel, David Cameron, initiateur du référendum, qui y joue sa crédibilité politique. De l'autre le "Vote Leave", pour lequel Boris Johnson, l'ancien maire de Londres a pris position. En plus d'une bataille purement politicienne, ce référendum est le thêatre d'une bataille de chiffres.

Quelles conséquences ?

Les conséquences imprévisibles font couler beaucoup d'encre. C'est surtout l'aspect économique qui cristalise les débats : incertitudes des marchés, état des discussions sur un futur accord de libre échange avec l’Union européenne, taux de change livre/euro, etc. Les études pleuvent des deux cotés, "leavers" ou "remainers", et s'attachent en général à comparer l'état économique et financier du Royaume-Uni hors de l’Union européenne par rapport à ce qu’il serait en son sein. Les plus optimistes, comme celle émanant du groupe Economists for Brexit, prédisent un gain « qui pourrait aller jusqu’à 4 % » pour le PIB britannique de 2030. D'autres (une majorité) sont plus pessimistes, allant de 0% jusqu'à -9.5%. Les chefs d'entreprises s'expriment sur la très lourde charge administrative qui pèse de la part de l'UE ; les autres montrent les bénéfices des accords commerciaux et l'opportunité que représente le marché européen.

Les autres divergences concernent la souveraineté de la Grande-Bretagne, notamment sur sa politique extérieure et la sécurité internationale, ainsi que les problèmes d'immigration massive. 1,25 million de personnes en 12 ans selon Boris Johnson. Pour certains, l'immigration semble résoudre la double question de la pénurie de spécialistes dans certains domaines, ainsi que du vieillissement de la population. Mais l'OCDE rappelle que, si les migrants sont plus à même d'être contributeurs nets pour les finances publiques, s'ils sont jeunes et qualifiés, le fait qu'ils viennent avec leur famille pèse sur les dépenses en éducation et sur le prix des habitations.

Faire de la politique

Nous analysons ce référendum sous deux angles. Le premier montre la bataille cognitive (qui détient les "vrais" chiffres ?) qui a lieu. La question n'est pas tant que "décide-t-on ?", mais "sur quels arguments nous appuyons-nous ?" et, surtout, "quelles méthodes et outils avons-nous utilisé pour les obtenir ?". Ici, le travail des lobbyistes est normal (tout le monde ne peux prétendre être économiste, spécialiste des relations extérieures et de l'immigration) mais montre à quel point, malgré toutes nos statistiques et puissance de calcul, prédire l'avenir reste encore un exercice périlleux. Or, et là reside notre second point : faire de la politique, ce n'est pas seulement gérer l'incertain, mais aussi et surtout jouer sur d'autres facteurs pour faire pencher la balance des votes. Les émotions comme la peur, "de perdre votre emploi", "de payer plus d'impôt", "de se retrouver nez-à-nez avec 72 millions d'immigrés turcs" (argument avancé par « Vote Leave ») sont un recours utilisé depuis longtemps lorsque le terrain du choix rationnel n'est plus praticable. Or, concernant un choix aussi lourd de conséquences, comment faire pour avoir toutes les clés en main afin de décider rationnellement ?

Alors certes, le référendum est un magnifique outil pour faire entendre la voix des citoyens. Il est louable que de telles décisions soient remises entre les mains de ceux qu'elles affecteront. Mais elle a ce défaut de ne pouvoir exprimer qu'un avis tranché. Or, beaucoup de gens auraient préféré pouvoir répondre avec plus de finesse : "OUI, mais ..." ou "NON, mais...".