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L'avenir des relations UE-Turquie dépendantes de l'accord migratoire ?

Mardi, 27 Mars 2018

L'accord migratoire entre l'Union européenne et la Turquie fête ses deux ans, et continue d'être au coeur des relations entre les deux camps, malgré un succès relatif. Bilan sur les enjeux qui demeurent.

La Turquie fait face à un vent de contestations et de critiques émanant de pays européens, qui accusent le régime d'Erdogan d'être à la limite du respect des droits humains. Un clivage qui s'est encore accentué récemment avec les interventions militaires turques contre des alliés de l'Europe, les kurdes, bien que les réactions officielles de l'Europe soient limitées. Or, les relations entre l'UE et la Turquie sont nombreuses, et elles sont bien ancrées : la Turquie est officiellement candidate à l'adhésion européenne depuis près de 20 ans (décembre 1999). De plus, l'UE dépend beaucoup de l'accord migratoire signé en 2016 avec la Turquie dans sa gestion des flux de réfugié.e.s.

L'échec humanitaire de l'accord migratoire

Il y a, certes, des points positifs à tirer de cet accord qui semble effectivement réguler de manière considérable l'arrivée des migrant.e.s aux portes de l'UE, ceux/celles-ci étant pris.es en charge par la Turquie sur son territoire. Cela laisse, entre autres avantages, du temps aux États d'organiser des politiques nationales ou communes pour mieux intégrer ces demandeurs d'asile. En termes de résultats quantitatifs, l'accord est un succès. Le nombre d'arrivées sur les îles grecques, l'une des principales porte d'entrée des migrant.e.s souhaitant rejoindre l'UE, a diminué de 97% en deux ans. Or, ceux/celles qui parviennent à y accéder en ayant obtenu le droit d'asile d'un des États font face à des conditions de vie déplorables, dans des camps de rétention surpeuplés et sans réelle prise en charge de la part des États. Il y aurait aujourd'hui plus de 13.000 personnes bloquées dans ces îles grecques, souffrant de ces conditions de vie dégradantes qui affectent leur santé physique et mentale, et qui accroissent l'insécurité de ces zones où les affrontements entre migrant.e.s et forces de l'ordre sont courants.

L'accord entre l'UE et la Turquie qui était alors présenté comme une solution transitoire, temporaire, pourrait perdurer et s'installer de manière plus longue, d'autant plus que les personnes concernées restent la plupart du temps pour de longues durées sur ces îles, rejetées par la Turquie qui ne s'occupe pas des cas de réfugié.e.s, et non pris en compte par les États qui préfèrent rendre toujours plus complexes les procédures d'admission et d'intégration.

Un intérêt mutuel plus fort que les clivages ?

L'UE semble dépendante de l'accord sur les migrations tant que des solutions politiques et sociales n'ont pas été trouvées. C'est pourquoi cet accord, malgré les échecs qu'il présente, continue d'être renforcé notamment avec la décision d'octroyer une deuxième vague de financements de 3 milliards d'euros en faveur de la Turquie pour la mise en place de projets dans ce cadre.

Ainsi, a eu lieu lundi 26 mars à Varna (Bulgarie) une rencontre entre les dirigeants européens Jean-Claude Juncker et Donald Tusk et le président turc Erdogan, censée renouer un dialogue rompu depuis le constat des dérives autoritaires du président turc. Cette rencontre a permit l'énonciation des nombreuses préoccupations dont fait part l'Union européenne quant au respect de la démocratie et des droits humains chez son voisin turc. Mais des revendications qui semblent bien vaines face à l'importance de l'accord migration auquel s'attache profondemment l'Europe, qui continue de nier sa responsabilité dans la gestion d'une crise qui lui échappe.

Une rencontre qui n'a donc débouché sur aucun accord, mais qui renforce le rapport de force entre les deux parties, dominé semble-t-il par un Erdogan qui a su tiré profit du mutisme européen pour réaffirmer pleinement l'ambition turque de devenir un membre de l'Union. L'Europe fera-t-elle un aveu de faiblesse en continuant de dénoncer sans agir les méfaits du régime turc, afin de repousser encore le moment fatidique où elle devra vraiment s'inquiéter du sort des millions de migrant.e.s ?