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L'occasion perdue d'un processus instituant citoyen pour refonder l'Europe

Mardi, 6 Février 2018

Dans son blog, Pierre Calame revient sur le paradoxe qu'a constitué l'élection de Macron à la tête de la présidence française. Entre espoir d'un renouveau démocratique européen, et désillusions d'une Union trop frileuse et économe envers un processus instituant citoyen, il fait un point sur les causes de cette "occasion perdue".

Alors que l'élection d'Emmanuel Macron a été perçue par tou-te-s les europhiles comme une aubaine et un véritable espoir de renouveau, dans un contexte où l'Europe a été malmenée par l'intérieur (Brexit, montée des partis extrêmes eurosceptiques) et par l'extérieur (attaques de Trump), l'absence de réaction et l'inactivité des dirigeants européens étonne fortement.

En effet, le projet macroniste d'une relance de la légitimité et du processus démocratique européens passant à la fois par un débat citoyen, et une participation plus forte de ceux-ci au processus décisionnel semble intéressant. C'est en tout cas ce que défendent les plus fervents fédéralistes depuis la création de l'Europe en 1957. Le processus instituant citoyen dont parle l'auteur se résume par la possibilité pour les citoyen-ne-s européen-ne-s d'instituer de nouvelles bases à l'Europe à partir de leurs exigences et positions. En s'exprimant donc sur ses attentes et ambitions, la communauté européenne de 500 millions de citoyen-ne-s obtiendrait vraiment un rôle dans le processus décisionnel et l'Union européenne n'en sortirait que plus légitime.

Selon Pierre Calame : « sa volonté proclamée (de Macron) d'une refondation du projet européen avec les citoyens et de tenir des « conventions démocratiques » un peu partout en Europe ont été des divines surprises, laissant espérer un véritable processus citoyen instituant, dont les collectivités territoriales seraient les fers de lance. »

De l'importance d'une nouvelle échelle

Pourquoi un tel attachement aux collectivités territoriales ?

Dans le projet de Macron, le processus instituant se place au plus près des citoyen-ne-s. Ainsi, il ne serait plus de l'ordre des États d'assurer une bonne communication en faveur de l'Europe, mais de collectivités aux échelles plus restreintes, présentes dans tous les États.

« Tout le monde sait qu'un « dialogue avec les citoyens », réduit à la prise de parole des pro-européens ou à la communication descendante chère à la Commission, ne permettra pas la refondation que beaucoup appellent de leurs vœux. »

Pierre Calame pointe alors les erreurs que reproduisent les dirigeants européens en voulant continuer à s'appuyer sur les États pour assurer la légitimité démocratique européenne.
« Nos nouveaux dirigeants ne connaissant pas ce précédent, continuent à espérer que tous les États membres s'engageront avec enthousiasme dans un processus citoyen qui risquerait, s'il était bien mené, de les mettre en difficulté. »

Alors que Juncker s'attache à perpétuer cette méthode peu efficace malgré un contexte particulièrement hostile à l'Europe, la proposition de Macron semble alors utile et particulièrement bien pensée.
« J'ai défendu l'idée qu'un processus instituant citoyen devrait être considéré comme un « investissement humain prioritaire pour l'Europe » et à ce titre prendre place dans le grand plan d'investissement promu par Juncker. »

Mais de nombreux obstacles perdurent.

Une Europe en manque de réactivité : une mise en danger ?

Le principal obstacle à la mise en place de ce processus instituant citoyen est la passivité de réaction des dirigeants européens face à cet enjeu de démocratisation. Cette frilosité repose sans doute sur le coût que nécessite une telle campagne.

Pierre Calame stipule que « les mêmes qui sont disposés à dépenser des milliards d'euros pour de grands projets technologiques, aux retombées aléatoires, n'imaginent pas de dépenser des millions d'euros pour organiser le dialogue citoyen sur l'avenir de l'Europe ! »

Un autre critère pourrait être le manque d'homogénéité relative aux enjeux européens au sein des pays membres. En effet, quand certains s'attacheront à mettre en oeuvre ces consultations, d'autres y verront une entrave au pouvoir national ou encore une menace pour l'équilibre des idéaux et des politiques menées localement (dans les pays les plus eurosceptiques notamment). De plus, une consultation en ligne ouverte à tous, comme le stipule Macron dans un rapport parlementaire de décembre 2017, favoriserait l'opinion d'une classe particulière, masculine, plutôt citadine et éduquée, ce qui ne modifierait pas réellement le panel d'opinion actuelle.

Enfin, un dernier obstacle pointé du doigt par l'auteur est le manque de légitimité et d'ambition des collectivités territoriales sur les enjeux européens.

« Les collectivités territoriales, quoique acteurs majeurs de l'avenir, restent marquées par deux siècles de minorité politique. L'organisation même de l'Union européenne, union d'États, les a confortées dans leur complexe d'infériorité. De sorte que ni le Comité des régions ni le réseau des grandes villes européennes n'a été en mesure de concevoir et mener à sa propre initiative un processus ambitieux de refondation citoyenne de l'Europe. »

Par ce manque de réaction et l'ensemble des limites citées ci-dessus, il apparait désormais trop tard, selon l'auteur, pour espérer une véritable refondation de l'Europe passant par un dialogue citoyen digne de ce nom. Puis, P. Calame de conclure : « L'institution d'un « peuple européen » attendra. Je formule le vœu que les conventions démocratiques voient le jour, nourrissent le projet européen ; mais je crains que des échanges trop sommaires, laissant de côté tous les citoyens qui doutent de l'Europe ne viennent renforcer leur euroscepticisme. »