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Migrant.e.s mineur.e.s isolé.e.s : un casse-tête national et européen

Lundi, 12 Mars 2018

Au coeur d'une crise migratoire sans précédents, l'accueil des mineur.e.s non-accompagné.e.s souligne un défi de plus à affronter pour l'Europe. Entre prises en charges de plus en plus critiquées et critères d'évaluation obsolètes, comment les États pourraient-ils réformer un système à bout de souffle ?

Aujourd'hui, les procédures d'assistance et d'intégration des mineur.e.s non accompagné.e.s (MNA) sont très souvent la responsabilité des administrations les plus locales. C'est par exemple le cas en France, où ce sont les départements qui sont chargés de ces procédures, qui ont connu une croissance inédite en 2017 avec près de 15 000 prises en charge pour environ 50 000 demandes. De fait, les administrations sont débordées, et le moindre traitement d'une demande est complexifié par des critères d'évaluation et d'admission qui ne semblent plus être adaptés.

Une réforme du système nécessaire

Une nouvelle approche semble nécessaire, et c'est ce sur quoi travaille actuellement le gouvernement français. La difficulté concerne à la fois les administrations, qui se retrouvent dans des situations où elles ne peuvent plus traiter efficacement les demandes faute de place, et les mineur.e.s isolé.e.s, dont les droits sont menacés par le soupçon de fraude (on les accuse d'être en réalité des majeur.e.s profitant du droit d'asile dont peuvent bénéficier des mineur.e.s). Or, la justice estime qu'environ 50% des procédures d'appel ont abouti au final à la reconnaissance réelle de la minorité des demandeur.euse.s d'asile. Un système peu objectif donc, qui empêche une cohérence nationale qui permettrait à l'État de mieux appréhender les problématiques liées aux MNA.

Le projet français repose sur une décision entre deux modèles de gestion de cette problématique : d'une part, renforcer l'aide financière de l'État en faveur de l'action des administrations locales, ce qui permettrait aux départements d'avoir une plus grande capacité d'action et d'accueil, et qui impliquerait à terme le désengorgement des structures d'accueil des MNA. D'autre part, redonner à l'État une plus grande responsabilité dans la gestion et l'accueil de ces mineur.e.s, en favorisant la mise en place de nouvelles mesures de contrôle de l'identité des personnes migrantes et en réduisant ainsi la pression qui est mise sur des collectivités territoriales dépassées. Cette seconde vision semble être la plus adaptée sur le long terme, puisqu'elle réformerait réellement le système actuel qui s'avère inefficace. C'est sans doute à cause de l'incohérence entre la volonté de décentralisation, qui pousse les collectivités à acquérir de nouvelles compétences, comme celle évoquée ici, et la politique nationale qui semble assurer que l'État est plus adapté pour gérer les questions migratoires.

Un enjeu au-delà des frontières nationales

Un peu partout en Europe, on observe que cette politique liée à l'accueil des MNA connait des difficultés similaires. En Suisse, on observe par exemple une baisse des subventions dans plusieurs cantons. En Suède, l'un des plus importants pays en termes de droits d'asile, la situation et le nombre de ces jeunes pose tellement de problèmes qu'une vague de suicides sans précédent a touché le pays, concernant des jeunes qui atteignaient la majorité et craignaient alors de perdre leurs droits.

Les droits et l'accompagnement issus de ces politiques contiennent de nombreuses failles, qu'il est désormais primordial pour l'Europe de résoudre. Le rapport français destiné à l'élaboration d'une nouvelle loi à ce propos préconise une plus grande collaboration entre les États membres et les institutions pour trouver un système de prise en charge collectif qui correspondrait mieux au respect des droits, du bien-être et des libertés de chacun.e.

En effet, se pose la question de l'après. Même dans l'éventualité d'un système réformé, mieux adapté et fonctionnel en France, qu'en est-il des droits et de la liberté des migrant.e.s pris.e.s en charge une fois qu'ils/elles atteignent la majorité sur nos territoires ? Aujourd'hui, cette question n'est pas claire, et dans la plupart des cas l'accompagnement s'arrête à l'âge de la majorité. Les réfugié.e.s perdent alors leurs droits d'asile et de protection, et redeviennent des migrant.e.s livré.e.s à leur sort et, dans bien des cas où les legislations nationales sont peu accueillantes, sont pourchassé.e.s. Les conséquences sont importantes, puisque comme l'exemple suédois le montre, ceux/celles qui se battaient pour leur vie sont tenté.e.s par le suicide.

Ainsi, cette injustice doit être combattue et résolue par l'Europe. Il n'est plus question pour l'Union européenne de présenter une humanité à deux vitesses, car plus que jamais la protection des droits fondamentaux des enfants, comme des personnes majeures, est primordiale.