Quels sont les enjeux de la relance économique européenne après le covid-19?

Mardi, 5 Mai 2020

Le Conseil européen a chargé la Commission européenne d'élaborer un fonds de relance adossé au futur budget pluriannuel revu à la hausse. À la lumière des divisions politiques qui opposent les États membres sur le sujet, à quoi ce plan pourrait-il ressembler ?

Le jeudi 23 avril, les chefs d'État et de gouvernement se sont contentés d'approuver les mesures d'urgence à court terme élaborées par l'Eurogroupe le 9 avril dernier : 540 milliards d'euros, répartis en trois "filets de sécurité" :

  • un mécanisme de réassurance chômage européen, à hauteur de 100 milliards d'euros, destiné à protéger les travailleurs ; 
  • des prêts à taux préférentiel pour les entreprises accordés par la BEI, à hauteur de 200 milliards d'euros ; 
  • et le déblocage de 240 milliards d'euros par le Mécanisme européen de stabilité, destiné à aider les États sur les marchés financiers.

Quel montant supplémentaire pourrait être engagé dans le budget européen et le fonds de relance ?

Les propositions se sont multipliées ces dernières semaines. Le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire a évoqué le chiffre de 500 milliards d'euros, le gouvernement espagnol 1500 milliards d'euros, soit 10% du PIB européen environ, tandis que la présidente de la Commission européenne a évoqué la nécessité de parler en "milliers de milliards". Ces montants sont comparables à ceux déjà engagés par la Banque Centrale Européenne, auxquels viennent s'ajouter les plans de relances nationaux mis en place par les États membres.

Comment ces fonds pourraient-ils être levés ?

Ursula von der Leyen a évoqué le doublement des contributions des États membres, qui passeraient à 2%, par rapport à 1,02%  pour le budget 2014-2020. Concernant le fonds de relance, une première solution consiste à lever des fonds sur les marchés par "effet de levier". C’est un moyen efficace de lever de l'argent à peu de frais et une solution défendue par les États dit "frugaux", dont font partie l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Autriche, et déjà privilégiée par la Commission européenne lors du plan Juncker.

Autre solution, soutenue par le Parlement européen et plusieurs États membres, dont l'Espagne, l'Italie ou la France, la mutualisation de la dette européenne via l'émission de "recovery bonds". Sur cette question, la Commission devra composer avec les divisions profondes qui opposent les États aux finances publiques les plus saines aux États les plus endettés.

Comment ces fonds pourraient-ils être redistribués ?

L'exécutif devra composer avec les deux camps qui se sont formés au Conseil : les partisans des prêts à faible taux d'intérêt et les partisans de transferts directs. La solution des prêts à taux faibles, soutenue par les États "frugaux", bien souvent contributeurs nets au budget européen, leur permettrait d'éviter des transferts directs de richesse de leur territoire vers les États les plus endettés.

L'autre solution, plus solidaire, consisterait donc en des transferts des États les plus riches aux territoires les plus touchés par la crise, sur le modèle du budget européen, avec la PAC et les politiques structurelles. Or, on ne sait pas si la clé de répartition du fonds de relance sera similaire au budget européen classique. C'est cette inconnue qui permettra de jauger le niveau de mutualisation du fonds de relance, et donc sa capacité à favoriser une reprise équilibrée sur l'ensemble du territoire européen.