Bannière publication participation citoyenne

UE 2020 : La prochaine stratégie de l’Union européenne, quels précédents, quels enjeux à venir ?

La Stratégie de Lisbonne a été lancée en 2000 lors du Conseil européen de Lisbonne. Son objectif était de faire de l’Union européenne «l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi, d’une plus grande cohésion sociale et d'un respect de l'environnement à l'horizon 2010 ». 

Stratégie de Lisbonne : programme et évaluation

Cette stratégie économique et sociale reposait sur trois piliers :

  • Préparer la transition vers une société et une économie fondées sur la connaissance ;
  • Moderniser le modèle social européen, investir dans le capital humain et combattre l’exclusion sociale ;
  • Doser judicieusement les politiques macroéconomiques.

A ces trois objectifs, le Conseil européen de Göteborg (2001) en a ajouté un 4ème, la dimension environnementale dans une perspective de développement durable. Les Etats Membres ont également mis en place, sous l’impulsion de l’Union, la Méthode Ouverte de Coordination (MOC) afin d’échanger les bonnes pratiques entre Etats membres dans plusieurs matières sociales. En 2005, après 5 ans de résultats mitigés, l’UE opère une réévaluation. La stratégie est recentrée et simplifiée vers une plus grande implication des Etats membres via l'élaboration de plans d'action nationaux. En juillet 2005, la Commission présente le programme communautaire de Lisbonne  qui complète les plans d'action nationaux que les Etats membres devaient finaliser avant le mois d'octobre 2005. Le programme est composé de 50 initiatives (actions réglementaires, actions de financement et élaboration des politiques) qui ont été ou devaient être prises au niveau européen pour recadrer le programme de réformes économiques de l'UE sur la croissance et l'emploi.

La liste des cinquante initiatives reprend des initiatives déjà existantes et la Commission les a regroupés sous huit "actions essentielles au développement à long terme de l’Europe" qui sont en fait les priorités de l’UE pour la période 2005-2010 :

  • l'aide à la connaissance et à l'innovation en Europe, 
  • la réforme de la politique des aides d'Etat, 
  • la simplification du cadre réglementaire, 
  • l'achèvement du marché intérieur des services, 
  • la réalisation d'un accord dans le cycle de Doha (accords commerciaux sur l’agriculture, la concurrence, le commerce avec les pays en voie de développement…)
  • l'élimination des obstacles à la mobilité dans les domaines du transport, de la main-d’œuvre et de l'éducation, 
  • la mise au point d'une démarche commune à l'égard des migrations économiques, 
  • le soutien des efforts visant à traiter des conséquences sociales (par ex. la perte d'emploi) des restructurations économiques. 

Les efforts fournis ont ensuite été évalués chaque année. Le constat est alarmant : échec en termes d’emploi, renforcé par la crise économique et l’augmentation du coût des matières premières. De plus, il subsiste une fracture numérique entre les Etats Membres avec, par exemple, le Danemark qui offre un excellent accès aux ressources d’information et de communication, la Hongrie figurant, elle, comme le mauvais élève. 

UE 2020

Afin de poursuivre les efforts entrepris par la Stratégie de Lisbonne, la Commission a décidé de proposer un programme pour les années 2010 à 2020. Innovation par rapport à la Stratégie de Lisbonne, le 24 novembre, une consultation a été lancée sur la Stratégie post-Lisbonne. Le document de travail de la Commission intitulé Consultation sur la future stratégie «UE 2020» présente les défis de l’UE pour les 10 prochaines années. Le calendrier est le suivant :

  • 15 janvier : fin de la consultation (les contributions seront publiées sur internet) ;
  • Janvier 2010 : proposition définitive de la Commission ;
  • Mars 2010 : Sommet européen pour adopter la stratégie. 

Les grandes lignes  de cette stratégie regroupent les mêmes objectifs structurels que la Stratégie de Lisbonne, avec quelques objectifs supplémentaires : une  croissance verte,  la sortie de la crise économique, la prévention d’une éventuelle autre crise économique, la lutte contre le changement climatique. Elle a pour slogan « Faire de la crise une énergie et un levier vers plus de croissance », comment le comprendre? Suite aux changements apportés par le Traité de Lisbonne, la Commission, en passe d’être renouvelée, s’est abstenue de proposer de mesures concrètes. 

Le document de travail définit trois priorités pour 2020 : 

  • Créer de la valeur en fondant la croissance sur la connaissance  en renforçant l’éducation, l’innovation, la recherche et la créativité. Pour ce faire, l’Europe doit mobiliser les outils numériques dont elle dispose, ainsi que la formation continue. 
  • Favoriser l'émancipation dans des sociétés ouvertes à tous, dans lesquelles l’emploi serait un rempart contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Le travail non salarié doit être valorisé comme solution momentanée à la perte d’emploi. 
  • Créer une économie compétitive, connectée et plus verte : favoriser les modes de production qui minimise la pression sur les ressources naturelles (de plus en plus rares et de plus en plus chères). L’Europe souhaite également devenir une économie plus solidaire et  atteindre une croissance verte. Pour cela elle envisage de mobiliser le marché unique.

La Social Platform a marqué son inquiétude dans une lettre ouverte adressée aux Présidents du Parlement européen, de la Commission et du Conseil Européen ainsi qu’aux présidents du futur trio présidentiel (Espagne, Belgique, Hongrie). Avant toute chose, les auteurs de la lettre ouverte dénoncent l’absence de nécessité d’introduire une nouvelle stratégie alors que la précédente n’a pas atteint ses objectifs. Ils dénoncent la précipitation des décideurs européens à vouloir mettre en œuvre cette stratégie si rapidement au vu des ajustements institutionnels qui seront effectués au début de l’année 2010 (nomination des nouveaux commissaires européens). Ils regrettent l’absence de consultation préalable avec les membres de la société civile organisée. Ils se désolent de la temporalité ainsi que de la méthode choisie par la Commission pour la consultation bien que le Parlement Européen avait recommandé la mise en place de cette consultation publique en septembre 2009 laissant ainsi plus de temps pour répondre à la consultation. La Social Platform relève aussi le manque de transparence dans la consultation et s’interroge également sur la possibilité d’analyser efficacement les résultats de la consultation alors que la proposition doit être adoptée en mars. Elle craint que la Commission répète les erreurs du passé en se précipitant. Elle souhaite que la mise en place de cette stratégie soit reportée à décembre 2010 sous la présidence belge. 

Le Comité des Régions  demande que l’UE laisse plus de place aux régions et aux communautés dans le processus européen afin que les objectifs de la Stratégie soient effectivement réalisés. Conformément au principe de subsidiarité, la politique de l’UE devrait être mise en œuvre au niveau de gouvernance le plus efficace. Dans son rapport final sur le thème « Une stratégie pour une croissance durable », le Comité des Régions regrette le manque d’intégration des villes et des régions au processus ainsi que le manque de souplesse dans la mise en œuvre de la stratégie, qui ne s’appliquait pas aux particularités régionales. Il dénonce également la mauvaise gouvernance qui a dominé durant la période 2000-2010 et souhaite que la gouvernance à multiples niveaux ainsi qu’une simplification administrative soient mises en place. Le Comité des Régions se réjouit de la mise en place du nouvel indice de développement qui dépasse l’actuel calcul du PIB et permet une meilleure évaluation des progrès effectués ainsi les politiques pourront être ajustées et réorientée plus rapidement. Elle souligne que la nouvelle stratégie 2020 devrait être plus axée sur les besoins concrets des citoyens.  

Les socialistes européens dénoncent le report du débat sur les questions sociales puisque la nouvelle Commission ne prendra ses fonctions qu’en février, il ne lui reste que peu de temps avant la proposition définitive du texte et le Conseil de printemps, traditionnellement consacré aux matières sociales et qui devra adopter les propositions principales pour la stratégie 2020 en mars de l’année prochaine. La question sociale sera alors  renvoyée à plus tard. L’urgence de la crise économique ne laisse pourtant pas le temps de repousser les discussions.  Les socialistes et les Verts européens se sont donc joints à l’appel de la Social Platform.

José Manuel Barosso a répondu aux inquiétudes des socialistes en précisant qu’il se battrait pour la bonne mise en œuvre de l’agenda social et s’assurerait du soutien de la Commission aux Etats membres. Affaire à suivre donc.