Droit à l’oubli : vers une simple portée symbolique ?

Mercredi, 2 Octobre 2019

Par sa décision du 24 septembre dernier, la Cour Européenne de Justice de l’Union Européenne (CJUE), a enterré la possibilité d’un droit à l’oubli universel. Derrière l’annulation de la condamnation de Google par la CNIL, c’est un enjeu bien plus global qui se trame : celui de la remise en cause de l’effectivité de ce droit.

Quel droit à l'oubli ?

Consacré à l’article 9 du RGPD, le droit à l’oubli octroi à tout individu la possibilité de demander l’effacement des données sur sa personne disponibles sur internet. Ce droit, très critiqué par les moteurs de recherche et notamment Google, est pourtant très encadré par le droit. Et ce parce que l’effacement concerne seulement les données dites « sensibles » qui rassemblent opinions politiques et philosophiques, l’origine, les données génétiques, les données biométriques ou encore l’orientation sexuelle.

Ce droit est nouveau mais indispensable afin de garantir la protection de la vie privée, à l’heure de l’ère du numérique et du Big Data.  

Un droit a minima

Afin d’assurer l’effectivité de ce droit, l’agence de protection des données françaises (CNIL) a voulu lui accorder une portée universelle. L’objectif était de pouvoir assurer un effacement de ces données au niveau mondial et non seulement européen. C’est dans cette optique que Google a écopé d’une amende de 100 000€ pour non-respect du droit à l’oubli en 2016.  

Pourtant, la CJUE a donné raison à Google en affirmant simplement que le droit de l’Union Européenne ne peut s’appliquer en dehors de ses frontières. Pour Sabine Marcellin, avocate spécialisée dans le droit du numérique, cette décision est motivée par le risque de conflit normatif entre les normes européennes et les normes en vigueur dans des pays tiers. Alors que certains pays consacrent la primauté du droit à la vie privée, d’autres en revanche, défendent en premier lieu le droit à l’information. C’est notamment le cas avec les Etats-Unis, avec qui le conflit normatif serait inévitable.

Néanmoins, ce recul de la CJUE en matière de droit à l’oubli a des conséquences concrètes sur l’application de ce droit. En effet, alors même qu’une personne obtient l’effacement de ces données personnelles sur les moteurs de recherches européens, celles-ci seront toujours disponibles sur les serveurs du monde entier et donc accessibles à n’importe qui pourvu qu’iel change de moteur. De là, le droit à l’oubli n’est plus effectif mais relayé au rang de droit symbolique.