Le régime d’Erdogan en Turquie : symptômes de la schizophrénie européenne

Mardi, 13 Février 2018

Alors que le régime turc renforce ses revendications quant à son adhésion dans l’Union européenne, il ne finit plus de diviser par son attitude et sa politique répressive. Tandis que de nombreux exemples mettent en garde la communauté internationale sur le traitement des libertés et des droits fondamentaux au sein du pays, l’Europe se retrouve dans une position inconfortable, où elle ne dénonce qu’à demi-mots ces pratiques.

Depuis le coup d’État avorté de juillet 2016 contre le régime turc, et la mise en place de l’état d’urgence – prolongé pour la 6ème fois depuis – les arrestations des opposant-e-s sont nombreuses et révèlent une bien mauvaise habitude, qui fait de la Turquie un État pointé du doigt. Et pour cause, ces arrestations sont très souvent arbitraires, condamnant toute sorte d’opposant-e à l’idéologie du régime : policiers, professeurs, figures intellectuelles et même des anciens collaborateurs politiques, comme c’est le cas de Mehmet Altan dont le procès s’est ouvert lundi 12 février 2018.

De ce fait, de nombreux-se-s prisonnier-e-s politiques sont détenu-e-s en Turquie et dans des prisons aux alentours, parfois pour le simple fait de posséder une application sur son smartphone ; application désignée comme le moteur du putsch de juillet 2016. Une frontière très mince, donc, entre la justice et la répression politique d’un régime qui veut faire taire toutes les oppositions, à l’instar des plus grands totalitarismes.

Une répression poussée à l’extrême ; un conflit légitimé

Non satisfait de flirter avec la dictature sur son propre territoire, le président Erdogan attaque désormais à l’extérieur de ses frontières. Depuis le 20 janvier 2018, l’opération Rameau d’olivier (aussi appelée bataille d’Afrine) implique un conflit entre l’armée turque, aux côtés des forces rebelles syriennes, visant à chasser les kurdes du territoire d’Afrine.

De plus, ce conflit renforce irrémédiablement les divisions au sein du peuple de Turquie entre les turcs et les kurdes, ces derniers sentant leurs libertés et leur communauté attaquées de toutes parts.

Ainsi, une nouvelle vague de contestations a lieu dans le pays, impliquant cette fois non pas des turc-que-s réformistes, mais des kurdes qui protestent contre l’intervention de l’armée sur un territoire de tradition kurde. Une intervention que ceux-celles-ci jugent illégitime, et qui ne serait qu’un instrument supplémentaire de la part du régime pour mettre la pression sur cette opposition politique kurde qui sévit depuis le milieu des années 80.

Une Europe mitigée, qui montre ses limites sur la scène internationale

Dans ce contexte très tendu sur le territoire turc, l’Europe fait face à une problématique complexe impliquant deux alliés historiques, ce qui se traduit par une inefficacité de traitement et de réaction.

La répression menée par le régime turc est incontestablement une entrave aux libertés fondamentales, ce que reconnait sans trop de difficultés l’Europe. Cependant, la résolution appliquée début février 2018, exprimant ces inquiétudes, reste très légère et peu critique envers la situation et les problématiques de droits fondamentaux qui y sont liées.

En effet, bien que le Parlement européen déplore cette répression et presse le régime de libérer les prisonnier-e-s politiques, aucun engagement n’est pris quant au conflit à Afrine, qui semble même être légitimé. Or, les kurdes ont mené une armée très efficace dans la région du Proche-Orient qui continue de combattre l’État islamique, en soutien aux armées européennes engagées.

L’Europe, donc, ne trouve rien à redire à un conflit qui oppose d’un côté : la Turquie, alliée de l’occident de longue date, mais dont la complaisance sur les enjeux de sécurité et de terrorisme ont pu favoriser la mise en place de Daech, et de l’autre : les kurdes, si précieux dans cette lutte menée de loin par l’Europe, mais aujourd’hui délaissés par ces mêmes européens.

Un triste aveu d’impuissance de la part des dirigeants européens qui ne s’opposent pas ouvertement à la Turquie, une puissance moyenne. Sans pour autant oser s'appuyer sur la candidature d’adhésion du pays à l'UE pour mettre le régime d'Erdogan sous pression. Au contraire, la porte semble toujours ouverte à cette adhésion, au détriment des valeurs si fortes et si fières défendues, jadis, par une Europe de la paix et des droits humains.