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La participation citoyenne des Roms en question

Les bilans des ONG sont unanimes : les violences racistes envers les Roms sont en augmentation, entretenant un climat de défiance à l’égard de ces populations déjà particulièrement stigmatisées. Exclus de la vie sociale et politique quotidienne, la répartition transnationale des Roms sur divers territoires nationaux complique encore leur fédération. Cet article revient ainsi sur les canaux de participation des Roms pour faire connaître leurs revendications dans la sphère publique.

Vendredi 13 juin, la presse française s’indignait du lynchage d’un jeune Rom par une douzaine de personnes, à Pierrefitte-sur-Seine, en région parisienne. Un an plus tôt, des familles avaient été la cible d’attaques à l’acide, place de la République, à Paris, tandis qu’en République tchèque, des groupes d’extrême droite organisaient des manifestations d’intimidation dans plusieurs villes du pays. Dans ce climat de défiance généralisée, l’exercice de droits fondamentaux des Roms se trouve mis à mal par l’argument d'une présence prétendument illégitime de ces minorités dans certains États membres. Le critère de rattachement à un territoire, indispensable pour bien des démarches administratives (mariage, logement social, aide médicale d’État, etc.) empêche certaines communautés roms d’exercer pleinement leurs droits sociaux et politiques : accès à l’éducation, à l’emploi, aux soins de santé, ou encore au logement. Pour défendre leurs droits, les Roms ont ainsi du se faire représenter, non sans difficulté.

Sans État rom ni suffisamment de représentants élus pour faire valoir leurs droits, ceux-ci se voient dans l’obligation de trouver des canaux alternatifs, via les ONG.

Basés sur l’indifférenciation des citoyens, nos systèmes de représentation se voient pourtant remis en cause par la naissance d’États multinationaux. Au premier rang d’entre eux, les États centre-européens tels que la Hongrie, la Roumanie et la Slovénie constituent des nations « pluri-étatiques » : alors que la citoyenneté se cantonne au sein des frontières de l’État, la nationalité est, elle, conditionnée par des frontières culturelles pouvant s’étendre sur le territoire de plusieurs États. C’est ainsi qu’une culture nationale dominante se retrouve à cohabiter avec plusieurs autres cultures nationales, considérées comme des minorités. Devant la pluralité des systèmes juridiques et démocratiques nationaux, différentes réponses ont été apportées pour permettre de concilier unité des citoyens et respect des minorités. Certains États leur ont permis une représentation parlementaire comme en Allemagne, Croatie, Roumanie et en Slovénie. Tous les États membres sont néanmoins tenus, par la liberté d’association, de permettre la création de groupements politiques propres aux minorités. Ainsi, le Parti de l'unité renouvelée des Roms défend les intérêts de la communauté en Hongrie.

Là où les formations politiques dédiées n’existent pas, les partis traditionnels ont pu intégrer représentants et revendications des minorités. En 1986, Juan de Dios Ramírez Heredia devient ainsi le premier membre gitan à être élu au Parlement européen au sein du Parti Socialiste Européen (PSE). Il faut néanmoins attendre 2004 pour que deux Roms hongrois, Lívia Járóka (Fidesz) et Viktória Mohácsi (démocrates) deviennent eurodéputées. Si ces élus politiques font figure d’exception à l’échelle européenne, la représentation et la participation des Roms dans les parlements nationaux en Europe restent néanmoins extrêmement faibles, de même que les proportions de Roms parmi les élus locaux et fonctionnaires territoriaux. Sans État rom ni suffisamment de représentants élus pour faire valoir leurs droits, ceux-ci se voient dans l’obligation de trouver des canaux alternatifs via des associations romanis et organisations non-gouvernementales (ONG).

Malgré leur caractère non-exécutif des instances ont eu le mérite de mettre à l’agenda politique la question de l’inclusion sociale des Roms.

Le premier représentant, et sans doute le plus institutionnalisé d’entre eux, reste le plus ancien : l’Union romani internationale (URI). Créée en 1971, elle bénéficie d’un statut consultatif auprès du comité économique et social de l’ONU lui permettant de faire valoir les intérêts des communautés roms dans de nombreuses commissions de travail. La représentation des Roms au sein d’assemblées dédiées s’est accélérée avec la création du Parlement de l’URI en 2000 (rassemblement d’élus roms nationaux) et d’un Forum européen en 2005 (organe consultatif pour « donner la parole aux Roms »). Malgré leur caractère non-exécutif, ces instances ont eu le mérite de mettre à l’agenda politique la question de l’inclusion sociale des Roms, question progressivement renforcée par son européanisation.

En effet, les élargissements communautaires successifs vers des pays à forte population rom et la présence de ces communautés dans la quasi-totalité des États membres ont conduit à une prise de conscience des collectivités de leurs difficultés communes à agir en la matière. En quête d’assistance, celles-ci se sont mises en réseau pour mutualiser les efforts et dispenser leur expertise. Ces regroupements, tel que le réseau EURoma (European Network on Social Inclusion and Roma under the Structural Funds), leur ont permis de partager leurs expériences alors que l’objectif d’inclusion sociale de la nouvelle programmation des fonds structurels de l’UE offrait des opportunités d’agir en faveur des Roms.

En guise d’incitation, le réseau des maires pour tirer le meilleur parti des fonds de l’Union en faveur de l’inclusion des Roms (MERI) a récompensé, le 11octobre 2012, une vingtaine de villes, pour leurs bonnes pratiques locales en faveur des Roms. La mairie de Kavarna, en Bulgarie, où vivent 4 000 Roms, s’est ainsi vue délivrer un Gold Award pour ses initiatives en faveur de la participation des Roms au processus de décision. (Voir le video)

Malgré ces initiatives, les bilans des ONG restent encore bien souvent édifiants. La situation des Roms en Europe atteste bien de la caducité du modèle d’intégration sociale, basé sur l’assimilation de la culture dominante. Seule une démarche multilatérale d’inclusion sociale, porteuse du respect des diversités, saura constituer une réponse durable aux questionnements identitaires de nos sociétés.