En Croatie, la liberté de la presse reprend doucement des couleurs
La Croatie rejoint la Media Freedom Coalition, un partenariat international de défense des libertés médiatiques fondé à l’initiative du Canada et de la Grande-Bretagne. Alors que le pays était tombé au 74e rang dans l’indice mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières en 2018, il atteint désormais la 56e place en 2021. Malgré ces efforts, la pandémie de Covid-19 met de nouveau la profession sous pression.
Ce lundi 7 juin 2021, à Zagreb, la Croatie signe le Global Pledge on Media Freedom, à la suite d’une rencontre entre Nina Obuljen Koržinek, la Ministre croate de la Culture et des Médias, et Wendy Morton, sous-secrétaire parlementaire britannique au Voisinage européen et aux Amériques. Cette signature entre dans le cadre d’un nouveau projet de loi croate visant à améliorer « le journalisme professionnel et la confiance dans les médias ». Wendy Morton souligne à quel point cela intervient à un moment opportun, alors que la crise de Covid-19 a mis en lumière les problèmes de la désinformation dans les médias sociaux.
Qu’est-ce que la Media Freedom Coalition ?
L’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme protège le droit à la liberté d’expression et d’information, et garantit les droits de la presse. Souvent qualifié de « quatrième pouvoir » dans les États démocratiques, leur défense est cruciale pour protéger les autres libertés et droits humains fondamentaux. C’est dans cet esprit que la Grande-Bretagne et le Canada ont créé la Media Freedom Coalition (MFC) à la suite de la Global Conference for Media Freedom en juillet 2019.
Ce partenariat de pays, qui réunit 47 membres à l’heure actuelle, a pour but de défendre les droits de la presse, la sécurité des journalistes, et de demander des comptes à ceux qui contreviennent à ces principes. Une réunion annuelle des ministres compétents des différents états membres a lieu pour faire le point sur ces questions. Parmi les domaines d’action de la coalition on retrouve le support et la coopération avec les autres organisations et initiatives civiles de défense des droits médiatiques, l’identification des meilleures opportunités d’utilisation des fonds d’aide destinés à cette cause, la condamnation de cas d’abus constatés, et l’utilisation d’approches diplomatiques collectives pour faire pression sur les États ou associations qui menaceraient le droit de la presse partout dans le monde. Les États signataires se sont engagés à « considérer toutes les mesures possibles face aux abus de droits humains internationaux, incluant les droits liés aux questions de liberté de la presse ».
En pratique, cela se traduit le plus souvent par de simples « expressions d’inquiétude » concernant les actions d’un pays, comme par exemple vis-à-vis du Myanmar. Les propres membres du Advisory Network de la coalition ont enjoint les différents ministres nationaux à prendre plus d’actions concrètes pour respecter leurs engagements dans le cadre du MFC, pour qu'ils n'en restent pas à l'expression de voeux pieux. Dans tous les cas, le fait que ces pays fassent partie d’une telle organisation permet ironiquement à d’autres acteurs de les interpeller et de les mettre sous pression, au risque de faire passer ses membres pour des hypocrites. Ainsi du professeur Can Yeginsu, qui a publié en novembre 2020 un rapport enjoignant les pays (et en particulier ceux membres du MFC) à créer un visa d’expatriation d’urgence pour les journalistes qui seraient en situation de danger.
Le cas de la Croatie
Dans le registre des libertés de la presse, la Croatie souffre des mêmes problèmes que beaucoup d’anciennes républiques socialistes : menaces et pressions contre les journalistes pour des raisons politiques ou économiques, harcèlements, etc. La « diffamation des personnes » et les « insultes à la République ou à ses symboles » sont punissables par la loi, avec en conséquence un risque d’auto-censure de la part des professionnels de l’information. Dernier membre à avoir rejoint l’Union européenne, la Croatie était située à la 74e place dans l’indice mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières en 2018.
Ces dernières années la situation s’est améliorée : en 2020, de nombreux procès pour diffamation se sont conclus en faveur des journalistes, et non des personnes qui voulaient les faire taire ; une nouvelle loi médiatique est en cours d’élaboration ; et en 2021 le pays a gagné 18 places dans le classement de Reporters sans frontières, atteignant la 56e place. La situation reste cependant difficile pour la profession : le gouvernement se mêle fréquemment des affaires de HRT (la télévision publique nationale) et la pandémie de Covid-19 a aggravé la situation économique de nombreux groupes de presse, contraignant beaucoup de journalistes indépendants à arrêter leur métier, les aides publiques n’ayant pas bénéficié également à tous les médias du pays. Pour la Croatie, c’est donc à une évolution tout en douceur des droits de la liberté de la presse à laquelle nous assistons.