Redéfinir la démocratie face à l'urgence climatique : l'expérience de la convention citoyenne
Dans un monde où l'urgence climatique devient de plus en plus pressante, la question de l'intégration des citoyen·ne·s dans les processus décisionnels est devenue essentielle. Retour sur l'entretien d'Hélène Landemore, politiste à l'université de Yale, avec Le Monde. Celle-ci y défend l'idée d'une démocratie plus participative pour répondre efficacement aux enjeux environnementaux. Son analyse se base notamment sur l'expérience de la convention citoyenne pour le climat en France, une initiative qui pourrait servir de modèle pour une gouvernance plus inclusive.
L'Urgence climatique et les limites du système représentatif
Les gouvernements sont confrontés à une série de décisions complexes pour adapter les territoires au changement climatique. Cependant, lorsque ces décisions ne sont pas bien comprises ou paraissent injustes, elles provoquent des réactions vives de la population, comme en témoigne la mobilisation des « gilets jaunes » contre l'augmentation de la taxe carbone en 2018.
Malgré un soutien public majoritaire pour des mesures climatiques ambitieuses, les décisions prises par les élu·e·s semblent souvent déconnectées des attentes des citoyen·ne·s. Selon Landemore, ce décalage révèle une crise de légitimité du système démocratique actuel, dominé par des élites économiques qui influencent les politiques publiques.
La convention citoyenne pour le climat : une expérience inédite
En 2020, la France a expérimenté une forme de démocratie participative en créant une convention citoyenne pour le climat. Composée de 150 citoyen·ne·s tiré·e·s au sort, cette assemblée avait pour mission de proposer des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les recommandations qui en ont résulté étaient souvent plus radicales que celles issues du Parlement, montrant que des citoyen·ne·s ordinaires peuvent formuler des solutions audacieuses et pragmatiques.
Vers une démocratie délibérative
Landemore suggère l'utilisation du tirage au sort et de la délibération afin d'enrichir la démocratie. En effet, cela permet l'inclusion de voix diversifiées tout en évitant les conflits d'intérêts qui affectent souvent les élu·e·s traditionnels. Cette approche, déjà testée en Irlande avec succès pour des questions sociétales comme l'avortement, pourrait être appliquée à grande échelle pour les défis climatiques.
Décentraliser et diversifier la participation
Pour maximiser l'impact des assemblées citoyennes, il apparaît intéressant de les instituer à différents niveaux de gouvernance. Des assemblées locales pourraient alimenter une assemblée nationale, créant un réseau délibératif capable de traiter des problématiques complexes de manière plus représentative et cohérente. Des exemples comme celui de la région de Bruxelles montrent que de telles initiatives sont possibles, même s'il reste crucial de leur conférer un pouvoir décisionnel réel. Le Marais Wiels et le Lac Bullicante illustrent, en outre, la force des mobilisations citoyennes. Ces lieux ne sont pas seulement des espaces de lutte écologique, mais également des symboles de réappropriation de l'espace par des communautés.
Une nouvelle légitimité démocratique
La crise de légitimité des élu·e·s, marquée par une faible approbation publique et une méfiance croissante, pourrait être atténuée par l'institutionnalisation de ces assemblées citoyennes. Ces dernières, en étant plus représentatives de la diversité de la population, pourraient regagner la confiance des citoyen·ne·s et renforcer la démocratie.
La transition écologique exige une transformation de nos modes de gouvernance. L'expérience de la convention citoyenne pour le climat en France montre que les citoyen·ne·s, lorsqu'ils et elles sont bien informé·e·s et impliqué·e·s, peuvent proposer des solutions innovantes et audacieuses. En redéfinissant notre conception de la démocratie pour inclure davantage de participation citoyenne, nous pourrions non seulement mieux répondre aux défis climatiques, mais aussi revitaliser notre système démocratique.Il est ainsi nécessaire de repenser la démocratie pour qu'elle devienne un véritable outil de justice sociale et environnementale.
En savoir plus:
Images disponibles en libre accès sur Canva