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Une allocation Covid-19 pour les plus démuni.e.s ? Et pourquoi pas !

Jeudi, 14 Mai 2020

La nouvelle était presque passée inaperçue, tout juste relayée par les grands titres de la presse européenne et aussitôt emportée par le flot d'informations liées au Covid-19 qui déferlait alors sur le Vieux Continent. Pourtant, l'annonce, le 20 mars 2020, de la suspension du Pacte de stabilité et de croissance constituait bel et bien un choc que nul n'aurait imaginé possible quelques mois plus tôt.

« Aujourd'hui et c'est nouveau et n'a jamais été fait auparavant, nous déclenchons la clause dérogatoire générale. Cela signifie que les gouvernements nationaux peuvent injecter dans l'économie autant qu'ils en auront besoin. Nous assouplissons les règles budgétaires pour leur permettre de le faire. »

C'est par ce communiqué qu'Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, annonçait la mise en pause du PSC. Concrètement, cela signifiait que, dès lors, la limite des déficits publics à 3% du PIB et de la dette publique à 60% du PIB ne s'imposait plus aux États membres.

Pour mieux évaluer quel séisme cela représente, rappelons qu'une telle mesure n'a même pas été envisagée, ni pendant la crise financière de 2008, ni lors de la crise de la dette qui a suivi. Alors quoi ? L'heure serait-elle donc si grave ? À moins que l'Europe ne se déciderait enfin à faire amende honorable et à reconsidérer la pierre d'achoppement de sa politique économique ?

Toujours est-il que le renforcement de la solidarité budgétaire de la zone euro est de nouveau à l'ordre du jour, ce qui marque une rupture pour le moins nette avec le discours de rigueur et de discipline qui prévalait jusqu'alors. Solidarité budgétaire, oui ! Une expression que les Grecs auraient certainement aimé entendre il y a 10 ans... Comme quoi, il ne faut jamais désespérer de rien !

De fait, cela (ré-)ouvre le champ des possibles et autorise même à rêver un peu : et si on parvenait vraiment à le bâtir, ce monde d'après différent du monde d'avant que chacun.e semble appeler de ses vœux ? Tout le monde ne parle plus que de ça ; même les politiques s'y mettent, y compris celles et ceux qui ne s'exprimaient que chiffres et graphiques à l'appui il y a quelques semaines encore. Allez ! et si cette fois était la bonne ? Pas le Grand Soir, bien sûr ! Mais une prise de conscience collective de la nécessité de transformer nos modes de vivre, de consommer, de travailler, de nous déplacer... Et la volonté de se tenir groupés autour de ces nouvelles bonnes résolutions, surtout ! Un changement en douceur ; un bouleversement tranquille ; une révolution moléculaire, pour reprendre le titre ô combien approprié d'un ouvrage du philosophe Félix Guattari.

Reste qu'entre ce monde d'avant - que nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir conjuguer au passé révolu - et le monde d'après qui reste à dessiner, il y a le monde de maintenant ! Il y a toutes celles et tous ceux pour qui le futur c'est d'abord payer les courses et le loyer du mois en cours. Toutes celles et tous ceux que la crise a rendu plus vulnérables encore, toutes celles et tous ceux qui ont vu leurs revenus baisser, qui ont perdu leur emploi parfois ou qui ne le retrouveront pas...

Avant la crise, la Belgique comptait 1,8 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Combien en compte-t-elle à l'heure actuelle ? Et combien en comptera-t-elle demain ?

Dire qu'une allocation spéciale Covid serait bienvenue pour toutes celles et tous ceux qui vont sortir ébranlé.e.s, démuni.e.s, de ces 2 mois de confinement, cela fait presque mal d'avoir à l'écrire tant cela tient de l'euphémisme ! Sans compter qu'une telle aide d'urgence contribuerait assurément à relancer l'économie réelle, sans délai et de manière originale qui plus est !

Dès lors, pourquoi ne met-on pas en œuvre un tel dispositif, puisque la suspension du Pacte de stabilité et de croissance le permet ?

Selon Christine Mahy, secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, qui plaide également pour une allocation Covid, « le premier réflexe c'est de s'intéresser à l'économie, aux investissements, aux entreprises, etc. ». Sauf que, en attendant, les files ne cessent de s'allonger devant les points de distribution de l'aide alimentaire là où le Covid-19 est passé, c'est-à-dire à peu près partout...

Dans une allocution du 20 mars 2020, Bruno Le Maire, Ministre Français de l'économie et des finances, lançait :

« Si c'est le chacun pour soi, si on laisse tomber certains États, si on dit à l'Italie, par exemple, + débrouillez-vous tout seuls +, l'Europe ne s'en relèvera pas. » 

On ne doute pas un instant de la véracité et de la sincérité d'une telle réflexion. Celle-ci s'applique d'ailleurs avec la même justesse et de façon plus prégnante encore à chaque citoyen.ne de chaque État de chaque continent. À cela près que, si on venait à laisser tomber les plus fragiles, les plus précarisés d'entre nous, c'est l'humanité tout entière qui ne s'en relèverait pas !