Les référendums en Europe : outil de participation citoyenne ou accessoire carnavalesque ?

Janvier 2018
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Dans leur analyse « Les référendums en Europe : outil de participation citoyenne ou accessoire carnavalesque ? » coéditée par le CRISP et Revuepolitique.be, Vaïa Demertzis et John Pitseys questionnent la supra-légitimité démocratique traditionnellement accordée aux référendums. 

Outil de participation citoyenne ?

Les auteurs commencent par dresser une typologie des référendums organisés dans le cadre de la construction européenne, revenant sur le référendum hongrois au sujet de la gestion migratoire, le référendum catalan concernant l’indépendance régionale, celui de 1992 au Danemark et de 2001 en Irlande mais aussi sur les fameux référendums français et néerlandais contre le Traité constitutionnel pour l’Union européenne.  

Ils observent que bien souvent les résultats des référendums sont contournés ou écartés : soit le refus citoyen exprimé lors du référendum n’est simplement pas considéré, soit il amène à une renégociation ou une reformulation de l’enjeu questionné lors de la consultation populaire. Demerztis et Pitseys identifient trois arguments fréquemment avancés pour justifier la non considération des résultats des urnes : 1) les citoyen-ne-s ne comprennent pas les enjeux de la question du référendum et ne sont donc pas en mesure de voter correctement, 2) le référendum est un outil de sanction des politiques du gouvernement en place et ne permet pas de saisir pleinement l’enjeu de la question posée, 3) supposé « outil démocratique ultime », le référendum n’est finalement que « le point de vue majoritaire d’une opinion publique particulière ».

Ce dernier argument est assez fort puisqu’il nie la légitimité démocratique du référendum au nom de la démocratie respect de l’État de droit constitutionnel »- et des Traités européens. En effet, un État membre ne peut pas imposer aux 27 autres sa vision du fonctionnement et des politiques européennes alors que l’outil du référendum lui-même est interdit par la constitution nationale de certains États membres.

Pourtant, les résultats des référendums remettent bien souvent en question le fondement des Traités européens eux-mêmes, les citoyen-ne-s se sentant dépossédé-e-s de leur expression démocratique au nom de la bureaucratie européenne. Le contournement des résultats des urnes est donc parfois dangereux, risquant d’accentuer le ras-le-bol populaire.

Accessoire carnavalesque ?

À l’époque, le carnaval était l’occasion d’inverser, le temps d’un instant, les rôles et les hiérarchies : l’idiot devenait un roi et inversement. Les auteurs voient dans le référendum l’occasion de donner une impression pouvoir de décision aux citoyen-ne-s. Mais ce « rôle d’exutoire » ne peut fonctionner si on donne effectivement du pouvoir aux citoyen-ne-s et ce n’est manifestement pas la stratégie institutionnelle choisie par les décideurs européens.

« Pour que le référendum puisse remplir une fonction démocratique, il doit constituer un outil « normal », habituel et régulier de délibération, et non un moment politique singulier, en rupture avec la vie démocratique quotidienne et facilement soumis aux excès. »